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Janvier 2018 : Patrick Errard, le patron en France du groupe japonais Astellas qui, depuis Septembre 2013, assure la Présidence du Leem, (Les Entreprises du Médicament)  le « syndicat » de l’industrie pharmaceutique dans l’hexagone, confirme, lors de la traditionnelle conférence de presse de début d’année, qu’il ne sollicitera pas un nouveau mandat. On cherche alors le nom du successeur. Souvent par le passé, en effet, la Présidence du Leem a changé de mains sans qu’une véritable élection ne soit nécessaire même si, le sortant avait, quelques années plus tôt, effectivement bousculé la tradition en se présentant contre un candidat désigné, peu ou prou, par l’institution. Mais en ce début d’année 2018, la plupart des observateurs misent sur un « retour à la normale », à savoir une transition en douceur, certes mais sans véritable débat. Sauf que, dans un contexte politique complexe, nombre des promesses faites aux entreprises du secteur quelques mois plus tôt, lors de la campagne des Elections Présidentielles, par Emmanuel Macron tardant à se concrétiser et qu’un nouveau PLFSS, présenté en septembre 2017 est venu, une fois de plus, doucher les espoirs des dirigeants de laboratoires, le Leem va devoir lui aussi entrer en campagne

Face à Philippe Tcheng, un des dirigeants du géant français Sanofi, et postulant qui semble alors adoubé par le Conseil d’Administration, se présente en effet un autre candidat … ou plutôt une autre candidate, Emmanuelle Quiles. Et la surprise est d’abord dans ce féminin-là ! Deux années plus tôt, un coup d’œil rapide à la présentation de ce même CA, pouvait suffire à frapper les esprits : sur la quarantaine de membres, pas une seule femme ! De quoi titrer, comme le faisions-nous alors dans notre quotidien, un article sur le Leem d’un facile mais incontestable « Machos Labos » ! Et voilà donc qu’en ce printemps 2018, alors que le Conseil compte alors 37 hommes pour 3 femmes, c’est bien une femme qui postule à la nouvelle Présidence ! Une femme qui, déjà, neuf années plus tôt, avait marqué les esprits ! On est alors en 2009 et les grandes manœuvres capitalistiques bousculent le paysage de la pharma.

 Le géant américain Pfizer annonce en effet le rachat de son compatriote Wyeth, le tout pour la coquette somme de 68 milliards de dollars. Dans chaque pays, il faut alors désigner celui qui prendra les commandes de la nouvelle maison, née de ce mariage. Souvent, très souvent, c’est le patron de l’acheteur qui l’emporte sur celui du racheté, tout en haut, au siège, comme dans les différentes filiales. Or dans l’hexagone, c’est l’inverse qui se produit et qui propulse alors à la tête de Pfizer France une jeune femme de 42 ans, de surcroît responsable de la principale Business Unit, « Specialty Care », du labo. 

Emmanuelle Quilès, à la tête d’un effectif de près de 3000 personnes et d’un groupe qui réalise 2 milliards d’euros de Chiffre d’Affaires, débute probablement ce jour-là une ascension qui n’est pas, loin s’en faut, 12 années plus tard, terminée. Un parcours d’autant plus étonnant qu’il semble se faire « en toute logique », selon les mots d’une de ses homologues. Pourtant, cette ingénieure en biotechnologie, titulaire également d’un DEA de biologie moléculaire et cellulaire, ne va pas simplement se couler dans le moule du géant Américain qui lui offrait probablement un parcours tout tracé vers quelques sommets. « Ce n’est pas la position qui m’intéresse, mais ce que l’on peut en faire. Pour les patients, en interne et en tant qu’acteur de la société ». Ainsi, Emmanuelle Quilès quitte-t-elle Pfizer un peu moins de 4 ans après sa prise de pouvoir et se lance dans l’aventure de la création d’entreprise : Harmonium Pharma s’affiche alors au-dessus de cette signature, choisie avec Ugo Cosentino, son associé, ex patron de Pfizer Italie, « Human values in business world ». Une start-up qui certes, ne révolutionnera pas la diabétologie mais qui va permettre à sa fondatrice de « toucher à tous les métiers de l'entreprise, finance comprise ». « C’est aussi une occasion idéale pour redécouvrir la force du collectif, le fait que chacun à sa place est essentiel à l’ensemble ». Elle en tire également l’ambition d’être « la plus inspirante possible ».  

Ambition que, de toute évidence, elle poursuit encore aujourd’hui et depuis janvier 2015, date à laquelle Janssen, la division pharma du géant américain J&J en fait sa Présidente Directrice Générale en France. Déjà, 10 ans plus tôt, Janssen avait confié la conduite de sa filiale France à une autre femme, Sabine Dandiguian. Une culture d’entreprise en quelque sorte. « A l’époque, nous avons été nombreuses à être aspirées par l’enthousiasme de Sabine, souligne une des anciennes de la Maison. Et si les deux personnalités sont différentes, Emmanuelle dégage elle aussi une puissance d’inspiration ». Inspiration… Cette ambition affichée justement par l’actuelle patronne du Groupe en France. C’est pour y parvenir qu’Emmanuelle Quilès, depuis son arrivée à la tête de la filiale, a multiplié les initiatives internes, les occasions d’échanges, les coaching, les mentorats, parfois même inversés, où l’on a vu de jeunes geeks du service informatique guider, tels des professeurs un tantinet intimidés, les cadres dirigeants dans leur apprentissage des réseaux sociaux. Et l’expérience est même poussé à bout par la PDG elle-même comme elle le décrivait au Figaro il y a 3 ans : « J’ai choisi une jeune collaboratrice de 28 ans comme coach. Elle me parle franchement, en toute liberté et me dit quelles sont ses attentes. C'est utile. Elle est originale. Elle a raconté son tour du monde lors d'une conférence Tedx JNJ organisée en interne. Comme d'autres, elle peut beaucoup apporter à l'entreprise ». 

Autant de codes bousculés, ce que la boss revendique haut et fort : « Je ne suis pas très « hiérarchie » - ce qui déstabilise certains -, j'ai la réputation de casser les codes… Mais je suis persuadée que si une entreprise comme la nôtre veut être compétitive demain, elle doit se comparer à des structures plus petites et plus agiles », déclarait-elle il y a quelques années au quotidien Les Echos. Ce qui explique probablement un turn-over nettement moins important dans la Maison Janssen. « Je sais que cela fait téléguidé, mais, nous affirme un arrivé récent au sein du labo, je n’avais pas trouvé un tel cadre de travail depuis le début de mon parcours. Et c’est vraiment à elle que nous le devons. Cela se ressent au quotidien. Et oui, je l’avoue nous sommes nombreux, et pas seulement des femmes, à vouloir lui ressembler ». Autant de soutiens qu’Emmanuelle a pu ressentir au moment de cette candidature à la Présidence du Leem. Une candidature certes sans succès, mais de peu, et qui a contraint tout le monde au débat, plus que cela n’avait jamais été le cas au sein de l’organisation. Et si depuis Emmanuelle Quilès a pris un peu de recul vis-à-vis du syndicat professionnel, elle n’en demeure pas moins particulièrement écoutée au sein de sa « famille » des laboratoires Américains. « Après cette élection, suggère un proche, je crois qu’Emmanuelle a voulu se recentrer sur son job au sein du groupe, comme on revient vers la famille quand on en ressent le besoin. Et la famille a été très heureuse de pouvoir jouer ce rôle ». 

ENCADRE Un mentor ? 

« Le président exécutif de Wyeth, Bernard Poussot, avait une capacité naturelle à transporter les foules avec quelques slides ! Il m'a appris à rester simple et à cultiver la proximité avec les équipes ».