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Prescription Santé : QUEL BILAN TIREZ VOUS DE CETE CRISE ? ET PENSEZ VOUS QUE L’IMAGE DES INDUSTRIELS PEUT AVOIR ÉTÉ MODIFIÉE PAR LA FAÇON DONT LES LABOS ONT GÉRÉ LA CRISE ?

FRÉDÉRIC COLLET : Face à une crise inédite, nos entreprises, qui sont tout à la fois actrices de santé mais également actrices économiques, ont fait le job et même au-delà ! Dans cette période si particulière, nous avons ouvert de nouvelles voies de recherche, en vue de repositionner le plus rapidement et le plus sûrement possible des molécules anciennes, de mettre à disposition de nouveaux traitements, ou enfin de mettre au point un nouveau vaccin. Nous avons initié de multiples partenariats public/privé mais aussi privé/privé, permettant ainsi à des laboratoires par nature concurrents entre eux de travailler la main dans la main. Nous avons su gérer de surcroît la continuité d’approvisionnement en traitements des patients chroniques pour les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur. Nous avons créé des plateformes que nous avons alimenté, nous avons screené des portefeuilles de produits existants et nous sommes livrés à une incroyable mobilisation qui va permettre -je l’espère en moins de deux ans, et peut-être bien moins encore - de proposer un nouveau vaccin lorsqu’il faut généralement compter de 7 à 8 ans pour aboutir à un tel résultat. Parallèlement à cette mobilisation inédite, les travaux de recherche clinique initiés avant la crise ont été poursuivis, et ce malgré les circonstances. Je ne sais pas si notre engagement massif aura un impact à long terme en termes d’image, mais je peux vous dire que notre mobilisation a été soulignée et apprécié par nos interlocuteurs, au premier rang desquels le Ministre de la Santé.

Prescription Santé : POURTANT, ON PARLE D’ESSAIS CLINIQUES SUSPENDUS …

FRÉDÉRIC COLLET : Seuls les nouveaux travaux de recherche clinique qui devaient être initiés au cours de cette période ont été non pas suspendus mais bien plutôt retardés, principalement parce que les médecins étaient, comme l’on peut facilement se l’imaginer, mobilisés sur d’autres missions. 

Prescription Santé : UNE THÉMATIQUE S’EST IMPOSÉE DANS LE DÉBAT, CELLE DE L’INDÉPENDANCE SANITAIRE 

FRÉDÉRIC COLLET: Rappelez-vous les premiers jours de la crise ! Qu’entendions-nous de tous côtés ? Des inquiétudes émises par nombre d’observateurs qui s’effrayaient en affirmant que nous étions terriblement dépendants de la Chine, de l’Inde et plus généralement de l’Asie pour la production de nos médicaments. Je me souviens parfaitement d’une des toutes premières réunions qui s’est tenue à Bercy au début de la crise réunion au cours duquel ce sujet a été posé par les participants. Avec une inquiétude évidente. Ailleurs, certains en étaient déjà convaincus : nous ne serions pas capables de faire face à la demande ! Or que s’est-il passé ? Nos usines ont produit 7 jours sur 7, 24 heures sur 24 avec des équipes qui, comme partout ailleurs, étaient confrontés aux contraintes du confinement, aux risques incontestables qu’elles prenaient en assurant cette mission même si nos entreprises ont tout mis en œuvre pour limiter ces risques et les encadrer. Ces équipes méritent la reconnaissance du public : ce sont plus de 50.000 collaborateurs qui travaillent dans nos sites industriels chaque jour ! Tous ont tenu leur rôle pour assurer leur mission, sans aucune faille ! Ce sont elles qui ont permis à notre système de santé de tourner à plein régime face à la crise inouïe que nous avons subi.


Prescription Santé : COMMENT AVEZ-VOUS FAIT ET QUELS ÉTAIENT LES DÉFIS À RELEVER ?

FRÉDÉRIC COLLET : Je voudrais tout d’abord souligner la qualité du dialogue quotidien entre le secteur et l’ANSM : nous avons su monitorer ensemble les situations potentiellement à risque – je pense en particulier aux tensions d’approvisionnement sur les produits de sédation. Et les médicaments en question ont été rendus disponibles, quelques soient les circonstances. Là où on a vu d’autres industries rencontrer d’énormes difficultés à répondre à la demande - c’est encore le cas aujourd’hui, - nous avons fait face ! Il faut et le dire et en être fier ! La crise a démontré l’extrême résilience, l’extrême capacité de mobilisation mais aussi l’extrême agilité, la souplesse, la capacité d’adaptation de nos entreprises et de leurs salariés ! Et ce quelques soient les métiers, la production d’abord – parce qu’elle impliquait une présence physique des collaborateurs - mais aussi la recherche clinique pour laquelle la proximité avec les centres, les patients, les soignants est essentielle, sans oublier les activités de siège. Elle est moins en crise que beaucoup d’autres secteurs. Par contre, la covid est une belle opportunité de prendre la parole auprès de tous ses publics et sortir d’une crise d’image qui, elle, s’éternise et s’est renforcée.Côté professions de santé, elle doit se concentrer sur la recherche de pertinence, de qualité, d’impact, de plaisir, alléger sa bureaucratie, et les prescripteurs qui lui sont fondamentalement proches renforceront leur attachement.

Prescription Santé : S’IL YA EU DES TENSIONS, IL N’Y PAS EU DE VÉRITABLES RUPTURES … CE QUI NE FUT PAS LE CAS DANS D’AUTRES SECTEURS ET POUR D’AUTRES PRODUITS ! 

FRÉDÉRIC COLLET: Si l’on prend l’exemple des produits utilisés dans les services de réanimation, nous avons à plusieurs reprises dû faire face à une explosion de la demande mondiale - qui en une semaine pouvait parfois représenter l’équivalent de la consommation habituelle sur un an - avec des facteurs de « X 1000 » sur certains curares par exemple. Le Ministre de l’économie avait même à l’époque souligné qu’aucune industrie n’était capable de faire face à de telles situations. Pour autant les produits ont été rendus disponibles, grâce à la mobilisation de nos entreprises, grâce aussi à la collaboration mise en place avec le service public, aux sociétés savantes qui ont pu diffuser des règles ajustées et adaptées sur le bon usage du médicament. Et in fine, les patients qui ont avaient besoin ont pu bénéficier de leurs traitements ! Les entreprises du Médicament ont fait le job et plus encore, et elles auront, c’est évident, beaucoup appris quant à leur propre capacité d’adaptation, je pense notamment à ce qui a été fait en matière d’accélération des processus de décision, d’organisation du travail, de recours au digital. C’est un sujet essentiel. D’abord parce que depuis de nombreuses années on parle d’indépendance énergétique ou alimentaire, notamment et dans quelques autres domaines aussi. Mais la thématique de l’indépendance sanitaire n’était quasiment jamais abordée ! Le dossier est sur la table… et tout en haut de la pile ! Je me souviens de quelques réunions, avec certains Ministres et leurs Cabinets, l’an passé notamment, au cours desquelles j’avais évoqué le sujet en précisant qu’il était rarement question de ce sujet dans le domaine sanitaire. Sur cette question précise, je pense que la crise ne nous a pas appris grand-chose par rapport à ce que nous avions déjà auparavant ! Qu’est-ce que l’indépendance sanitaire ? C’est notre capacité à fournir aux patients les médicaments dont il a besoin le plus rapidement possible et ce quelques soient les circonstances ! C’est cette dernière expression qui est essentielle ! Et cela dépasse largement la question du lieu de fabrication du médicament. Car c’est bien l’ensemble de la chaîne qui doit être cohérente et efficace, de la recherche et du développement à la production puis la distribution et enfin à l’accès aux traitements ! J’ai été attentif aux propos du Président de la République lors de sa visite d’un site de Sanofi à la mi-juin et j’ai vu qu’il avait largement axé son discours sur la dimension industrielle de cette indépendance. Mais notre indépendance sanitaire transcende largement les sujets de politique industrielle. Elle embarque des questions telles que le poids excessif de notre fiscalité et de notre régulation économique, les délais d’accès aux patients en décrochage complet des standards européens ou encore notre capacité à accumuler les normes illisibles et instables. Disons le clairement aujourd’hui : on ne pourra pas renforcer l’autonomie d’approvisionnement en France sans renouer avec l’attractivité et la compétitivité du territoire.

Prescription Santé : UNE ATTRACTIVITÉ QUI PASSE D’ABORD PAR … ?

FRÉDÉRIC COLLET : Pour garantir cette attractivité, il faut pouvoir répondre à deux questions. Pour nos entreprises, qu’elles soient des Big Pharma ou des petites entreprises de moins de 50 salariés, qui ne l’oublions représentent tout de même 75% des entreprises de notre secteur, il fait d’abord garantir une réelle visibilité à nos acteurs quant à la politique sanitaire dans laquelle souhaitent s’engager les décideurs. Il est tout de même incroyable que lorsqu’il s’agit des questions de défense ou d’infrastructures, notre pays sache penser le temps long – cinq ans -alors que pour les questions de santé, nous campons sur un calendrier strictement annuel ! C’est tout simplement irréaliste ! Doublement irréaliste : tout d’abord parce nous devons reconstruire aujourd’hui un système qui tienne compte de ce que nous avons appris pendant la crise, mais aussi parce que nous sommes face à une vague d’innovations absolument sans précédent, une vague qui va bousculer totalement l’écosystème alors que la « boîte à outils » dont nous disposons n’est plus adaptée pour permettre de garantir aux patients l’accès à ces produits innovants. Cette question de la visibilité est absolument essentielle ! Nous l’avons déjà dit et écrit et nous le redirons avec force aussi souvent que possible ! Et, au-delà de cette première dimension, nous avons besoin de cohérence : le choix d’un investissement c’est une prise de risque pour l’entreprise ! A cette visibilité doit s’ajouter la cohérence des choix politiques, à court terme notamment. Nous avons besoin d’être rassurés sur le fait qu’au détour d’un PLFSS ne vienne pas se glisser une mesure qui viendrait mettre à mal les objectifs de politique de santé que l’on nous avait exposés auparavant et auxquels les entreprises ont cru, concrétisant cette confiance par des investissements parfois très importants ! 

Prescription Santé : CE QUE VOUS SOUHAITEZ C’EST UNE VISIBILITÉ SUR TROIS ANS OU CINQ ANS ?

FRÉDÉRIC COLLET : Si nous parvenions à passer d’un an à trois ans, ce serait déjà pour nos entreprises un progrès important. C’est d’ailleurs ce que nous faisons nous-mêmes tous les jours, des plans à trois ou cinq ans : c’est la règle d’une bonne gestion ! il est regrettable que les pouvoirs publics ne partagent pas avec nous cette visibilité sur plusieurs années, visibilité dont nous bénéficions aujourd’hui quant aux innovations que nous proposerons demain et après-demain aux patients. C’est dommage que nous ne puissions pas partager ce que nous savons sur ces innovations qui seront prêtes dans un an, deux, trois ou cinq ans. Nous disposons de tous les outils de cette anticipation, essentielle pour l’avenir d’un système de santé performant. Partageons-les ! Et pour le faire, travaillons, les pouvoirs publics et nous, sur un espace-temps comparable ! L’innovation doit cesser d’être perçue uniquement comme une dépense supplémentaire, elle est aussi un investissement et un formidable levier de transformation et d’efficience pour notre système de soins.


Prescription Santé : EST-CE QUE LES LABOS NE SONT PAS RESPONSABLES ? PERSONNE NE PARVIENT À DÉMONTRER QUE LE MÉDICAMENT EST AUSSI UN FACTEUR D’ÉCONOMIES ? 

FRÉDÉRIC COLLET : Il ne faut pas confondre deux sujets : les laboratoires sont parfaitement capables d’évaluer les économies que va générer tel ou tel progrès thérapeutique. La CEESP (La Commission évaluation économique et de santé publique) est également souvent à même de documenter ces économies au travers de ses avis. La difficulté est ailleurs : notre système est souvent incapable de restituer ces gains d’efficience, qui, lorsqu’ils existent, sont immédiatement absorbés par l’appareil de soins. Je vous renvoie aux différents travaux qui émanent de nos adhérents, du LEEM lui-même et parfois des autorités publiques et qui s’interrogent tous sur l’impact de l’innovation sur l’optimisation du système de santé. C’est vrai pour le VIH, la polyarthrite rhumatoïde, l’hépatite C… et demain peut-être pour les thérapies géniques et cellulaires.


Prescription Santé : POURRAIT ON IMAGINER UNE CAMPAGNE DE COM À LA RENTRÉE POUR ÉVOQUER LE rôLE JOUÉ PAR LES LABOS ? 

FRÉDÉRIC COLLET : Je crois - depuis toujours - que la meilleure communication se fait par les actes ! Je pense qu’une grande campagne de communication dans les mois à venir pour dire : « Regardez, voilà ce que nous avons fait pendant la crise », n’est pas adaptée. Nous devons certes être plus explicites, peut-être plus présent. Mais nous devons être prudents avec ce type d’initiatives. Je ne voudrais pas qu’on nous reproche une certaine forme d’arrogance, une autocongratulation ! Et je crois bien plus dans les preuves d’amour que dans les grandes déclarations ! 

 

Prescription Santé :LES ATTAQUES DE CERTAINS PONTES DEVANT LA COMMISSION PARleMENTAIRE ONT ÉTÉ TRES  VIOLENTES MAIS LE LEEM N’A PAS RÉAGIT DIRECTEMENT POURQUOI ? 

FRÉDÉRIC COLLET: Je suis d’accord avec vous : les propos que nous avons entendu sont inacceptables, et pour tous les acteurs du secteur. Ce que nous devons faire c’est encore une fois expliquer, démontrer, évoquer aussi le fait que nous sommes depuis le milieu des années 90 le secteur économique le plus contrôlé et le plus encadré. J’ai demandé à la Commission communication du Leem de réfléchir à cette absolue nécessité d’explications. Mais je ne pense pas qu’attiser un débat polémique fasse grandir quiconque ! Ne tombons pas dans le piège que nous tendent ceux qui veulent se construire une image ou une popularité sur notre dos. Nous le savons parce que nous avons déjà été dans cette situation. 

 

Prescription Santé :MAIS QUE FAIRE POUR SORTIR DU SOUPÇON PERMANENT AU SUJET DES LIENS D’INTÉRÊT ?

FRÉDÉRIC COLLET : On peut expliquer les raisons pour lesquelles l’industrie travaille en collaboration avec les spécialistes de ces pathologies qui sont au cœur des recherches de chacun. Nous pouvons faire admettre avec pédagogie que cette collaboration est indispensable. Que dénoncent ceux qui parlent ainsi ? Que veulent-ils ? Qu’elle est leur logique ? Vont-ils imposer aux laboratoires qui travaillent sur le cancer du sein de n’avoir de relations de travail qu’avec des ophtalmos ? Par ailleurs, je rappelle que l’excellent rapport rédigé par le Professeur Truchet – éminent spécialiste – traitant justement de cette problématique des conflits d’intérêt et faisant des propositions qui nous semblent tout à fait réalistes dort depuis plusieurs mois sur le bureau des Ministres.

 

Prescription Santé : LA CNAM A PUBLIÉ SES PREMIERS PROJETS D’ÉCONOMIEs POUR LE PROCHAIN PLFSS. QUELS COMMENTAIRES ? 

FRÉDÉRIC COLLET: Nous n’en sommes qu’aux toutes premières étapes. Mais s’il y a une obligation qui à nos yeux s’impose à tous dans le processus qui s’ouvre, c’est la sincérité, et que le texte qui sera voté soit effectivement celui qui sera exécuté ! Que nos entreprises ne soient pas, par nature, considérées comme des variables d’ajustement ! Et que l’histoire ne se répète ! Je veux croire, sans verser dans l’angélisme, que des choses sont en train de changer – notamment à la lumière du COVID -, et que nombre d’acteurs ont évolué. Nous avons un nouveau Président du CEPS et, pendant la crise, nous avons beaucoup travaillé avec Agnès Pannier-Runacher, qui vient d’être nommée ministre déléguée à l'Industrie. Je crois en la volonté de ces deux interlocuteurs de faire bouger les lignes et d’avancer avec nous. Nous souhaitons faire du nouvel accord-cadre avec le CEPS une feuille de route partagée entre l’Etat et les industriels du médicament. Nous devons le laisser le temps au nouveau Président d’entrer dans ces dossiers, souvent très techniques et privilégier le temps du dialogue et de l’échange. A lui d’avoir l’accord des autorités de tutelle pour proroger le texte actuel et d’avancer vers une feuille de route où il aura mis sa marque et qui ne sera pas malmené, comme ce fut le cas parfois par le passé, l’encre des signatures à peine apposées.